En tant que journaliste, comment peut-on être certain que nos sources, dans notre travail quotidien, seront bien protégées ? Comment arriver à les persuader qu’elles peuvent nous faire confiance ? C’est à ces questions qu’ont tenté de répondre Fabrice Arfi, responsable du pôle enquête de Mediapart, et Stéphanie Zacks, avocate spécialisée dans le droit de la presse, lors d’une conférence organisée le 26 octobre 2017 à l’EPJT.

Fabrice Arfi s’attelle tout d’abord à justifier pourquoi un journaliste aurait besoin d’une source, en définissant le métier lui même. « Nous faisons un métier très particulier, nous sommes des instituteurs du réel. Nous devons voir le monde comme il l’est et le transmettre au plus grand nombre. Il n’y a pas de profession aussi belle dans sa philosophie. Et nous ne pouvons faire cela seuls. Voilà pourquoi il faut des sources. » Stéphanie Zacks rappelle ensuite comment journalistes et sources sont protégés par le droit, depuis la loi du 29 juillet 1981 jusqu’aux évolutions actuelles. Elle souligne bien qu’il n’a jamais été question pour les juristes de limiter le secret des sources, tout en prenant en compte les limites de cette juridiction. « Le pigiste est compris dans la loi sur le secret des sources. Les stagiaires par contre, ne sont pas forcément protégés. »

Fabrice Arfi aborde également les problématiques auxquelles font face les journalistes face à un monde politique parfois sulfureux sur certaines questions, comme la fiscalité « On a découvert que le procureur de la Cour pénale internationale, qui est un des plus grands magistrats au monde, et qui est censé être inatteignable, gérait des sociétés dans les pires paradis fiscaux au monde. » Se pose ensuite la question de la fiabilité de ces sources. « On passe plus de temps à ne pas publier qu’à publier des articles. On craint d’être manipulé par des sources qui nous transmettent des informations fausses. »

Stéphanie Zacks enchaîne ensuite sur les failles de la France dans la protection des sources. Selon elle, les contre-pouvoirs (autre que le pouvoir législatif et exécutif classique) en France ne jouent pas assez leurs rôles, ne sont pas aussi puissants qu’ils devraient l’être. Elle prend en exemple les États-Unis, où les contre-pouvoirs sont très présents et permettent ainsi de protéger les journalistes et leurs sources contre l’exécutif. Elle conclut en citant la fameuse phrase de Montesquieu : « Le pouvoir arrête le pouvoir. »

Quid de la déontologie ? Un journaliste n’est pas censé mentir pour obtenir des informations. Pourtant, explique Fabrice Arfi, se faire passer pour quelqu’un d’autre est parfois le seul moyen pour aborder une source, et donc obtenir une information. La conférence se conclut avec le rôle même du lanceur d’alerte. Qui peut-on définir comme étant un lanceur d’alerte ? « Un lanceur d’alerte doit être désintéressé. Il faut que la fuite qu’il provoque dépasse ses intérêts privés, qu’il ne fasse pas cela par vengeance par exemple. Il faut que ce soit dans l’intérêt général », explique le journaliste de Mediapart.

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