Peut-on encore s’informer sur X ? Loup Lassinat-Foubert de Ouest-France, Phœbé Humbertjean de La Nouvelle République et Vincent Berthier de Reporters sans frontières ont parlé des enjeux autour de X et de la désinformation mardi 21 janvier 2025 à l’EPJT.
La réélection de Donald Trump en novembre 2024 et la nomination d’Elon Musk au gouvernement ont entraîné une vague de départ du réseau social X : journalistes, médias, institutions publiques… Ouest-France est l’un des premiers médias à avoir annoncé son retrait. « C’était une discussion que nous avions régulièrement depuis un an et la balance a penché pour la sortie. On s’est dit que ça n’ira pas de mieux en mieux, alors arrêtons les frais », raconte Loup Lassinat-Foubert, journaliste et responsable des réseaux sociaux chez Ouest-France.
Pour le moment, La Nouvelle République continue à partager sur X ses productions. La journaliste Phoebé Humbertjean, qui s’occupe de la police-justice, défend la position du journal de presse quotidienne régionale. « La procureure de Tours communique exclusivement sur X. C’est donc presque une obligation pour être informé. Aussi, c’est une source d’information car des utilisateurs nous écrivent et nous envoient des infos en temps réel », sur le compte X @faitsdivers37.
Depuis les changements d’algorithmes sur X par Elon Musk et le recrutement d’employés qui suivent son idéologie, la désinformation a pris une part importante sur le réseau social. Mais Vincent Berthier souligne que « Twitter a toujours été un égout à ciel ouvert, un réseau de

trolls » et compare X avec la bulle de filtre qu’est Truth social, le réseau de Donald Trump. Alors quitter X serait-il laisser les partisans d’Elon Musk et du président américain dans un entre-soi ? Pour Vincent Berthier et les autres invités, la réponse est claire. « Ceux qui veulent rester sur le réseau en tant que journalistes ne sont pas dupes. On ne peut pas gagner contre quelqu’un qui change les règles comme il veut. Les contenus de qualité n’atteindront probablement jamais ce public », indique le journaliste au desk technologie de Reporters sans frontières.
« Rester sur X, un acte de résistance »
Dans un éditorial, La Nouvelle République parlait d’un dilemme moral. Phœbé Humbertjean défend la position du journal : « On n’est pas dupes. En tant que média local, rester sur X, c’est un acte de résistance. L’essence de notre métier c’est informer. On ne voulait pas se couper de lecteurs qui sont uniquement sur X. On ne veut pas leur lâcher la main. On ne peut pas nier qu’il se passe des choses sur X. »
Concernant la désinformation, elle a plusieurs visages selon Vincent Berthier : « La transformation des macarons bleus (qui identifiaient les personnalités publiques) en abonnement pour être plus visible que les autres en est une facette. »
La question de migrer sur Bluesky s’est posée avec le mouvement HelloQuitteX impulsée par le chercheur David Chavalarias qui présente un tutoriel pour migrer ses données de X vers Bluesky ou Mastodon. Mais selon Vincent Berthier, Bluesky ne serait pas forcément « la terre promise dont on nous parle ». Si des entrepreneurs prennent en main Bluesky, alors le problème sera le même que sur X. « On est sur des plateformes qui sont entrées dans nos espaces publics et il n’y a rien de suffisant pour encadrer ça », dénonce Vincent Berthier.

Pour Vincent Berthier, Bluesky ne serait pas forcément « la terre promise dont on nous parle ». Photo : Saskia Juigner Doubinsky/EPJT
Les récents changements chez Meta (Facebook et Instagram) concernant le fact-checking font réfléchir les médias sur leur présence sur les réseaux de Mark Zuckerberg. « C’est beaucoup moins facile de partir de Facebook pour les médias et encore moins facile de bloquer Meta pour un État. Facebook nous tient, on a été faible face à X, il va falloir être fort face à Meta, mais cela va être compliqué », prévient Vincent Berthier.