Photo : Noé Guibert/EPJT
Face au développement de l’utilisation de l’IA dans les rédactions, les journalistes doivent s’adapter et changer leurs pratiques. Éric Nahon et Nicolas Destrée, lors d’une conférence à l’EPJT, mardi 10 décembre 2024, ont tenté de mieux expliquer la situation actuelle et les enjeux liés à ce nouvel outil. Ont également participé à distance Alexandre Barlot et Gilles van Kotte.
Face à ce constat, Éric Nahon, formateur en journalisme pour l’association Journalisme et citoyenneté, et Nicolas Destrée, chercheur sur la désinformation, ont tenté d’atténuer certains mythes. Lors d’une conférence à l’EPJT, mardi 10 décembre 2024, ils ont évoqué la situation actuelle dans les rédaction et les véritables enjeux auxquels les journalistes devront faire face.
« L’IA, ce n’est pas magique, c’est technologique », rappelle Éric Nahon. Les outils basés sur l’intelligence artificielle se sont imposés dans les rédactions, non pas pour remplacer les journalistes mais pour automatiser certaines tâches répétitives. Transcrire des interviews ou trier des données simples sont autant de fonctionnalités qui libèrent du temps pour les journalistes. Il faut absolument avoir conscience que « l’IA ne génère pas du vrai, elle ne fait que du texte », précise encore Éric Nahon.
Ce que confirme Alexandre Barlot, chef de projet IA chez Radio France : « L’IA ne pourra pas remplacer les informations que l’on sort. Ce sont les journalistes qui vont les chercher. » Le travail de terrain reste donc la source primaire de la production de l’information. L’IA n’est alors qu’un outil complémentaire auquel l’utilisateur fournit des données.
L’IA peut commettre des erreurs
Bien que novateur, l’outil ne peut donc pas, dans l’état actuel des choses, remplacer les missions premières de tout journaliste. Il est aussi important de rappeler que, comme tout programme informatique probabiliste, l’IA peut commettre des erreurs. L’analyse critique des informations en amont et la relecture en aval restent essentielles dans l’utilisation d’un tel outil.
Malgré ses avantages, l’IA représente aussi un danger dans la diffusion de l’information. Nicolas Destrée alerte : « L’IA donne encore plus de puissance à l’arme qu’est la désinformation. » En facilitant la production de faux contenus ou en amplifiant des biais, ces outils peuvent devenir un levier pour manipuler l’opinion publique, notamment en période de crise politique. Selon lui, le métier de journaliste reste néanmoins protégé : « Le vrai journalisme de qualité restera. Ce n’est pas un outil qui changera une pratique. »
Si l’IA peut se révéler utile pour automatiser la production éditoriale des rédactions, il permet aussi d’automatiser la désinformation. Les faux contenus viraux sont de plus en plus crédibles, faciles à produire et à diffuser. Face à cette prolifération, le travail des journalistes est central.
Si le journalisme n’est pas voué à disparaître avec la généralisation progressive de l’utilisation de l’IA, il va au moins évoluer. Mais ces changements interrogent sur l’éthique d’un métier où l’éthique est justement si importante..
Evolution du modèle économique
Le cadre d’utilisation des outils d’IA fait partie des deux grands enjeux qui se posent aux rédactions. Nombreuses sont celles qui ont déjà adopté des chartes la délimitant (Le Figaro, Les Échos/Le Parisien, la BBC…). C’est également le cas du journal Le Monde. Gilles van Kote, directeur délégué aux relations avec les lecteurs, souligne que la rédaction est très transparente sur ses usages. Un article publié le 5 décembre 2024 les détaille même précisément.
En plus des enjeux éthiques, la question de l’évolution du modèle économique des médias est aussi importante. La majorité d’entre eux n’a pas su faire face au passage vers le web au début des années deux mille et veut se rattraper avec l’IA. C’est pour cela que plusieurs médias négocient ou ont négocié avec les géants de l’IA pour éviter que ces derniers n’exploitent les contenus éditoriaux sans rémunérer les éditeurs de presse.
« La différence avec ce qui s’est passé dans les années deux mille, elle est totale. Là, on a un acteur qui est prêt à nous rémunérer pour l’utilisation de nos contenus. Il y a vingt ans, on avait des acteurs qui voulaient piller nos contenus et ne pas payer pour », indique Gilles van Kote à propos des relations entre Le Monde et OpenAI, éditeur de ChatGPT.
Les échanges au cours de cette conférence ont donc permis de faire un état des lieux de la situation de l’IA dans les rédactions. Ils ont également permis de déconstruire certains mythes autour de l’utilisation d’un tel outil par les journalistes. Tout cela, en soulignant précisément les défis éthiques et économiques qui se présentent dans les années à venir pour les médias.