Thibault Raisse, collaborateur régulier du magazine Society, notamment reconnu pour ses enquêtes approfondies comme celle sur Xavier Dupont de Ligonnès, ou encore son travail sur L’Inconnu de Cleveland, était à l’EPJT, jeudi 19 décembre 2024, pour décrire les réalités de son travail et démonter les idées reçues.
Mais le fait-diversier prévient immédiatement : « Rien de ce que j’écris n’est romancé. Chaque détail vient d’un document, d’une interview. Je ne réalise pas une seule enquête sans me rendre sur les lieux. Si on ne va pas sur place, on n’enquête pas, on fait de la documentation. » Même si le genre emprunte au roman, aucune place n’est faite à la fiction, le terrain est la source primaire de l’information et aucun détail n’est laissé au hasard ni inventé.
La quête du « buzz »
Le verdict des procès des viols de Mazan a été prononcé le même jour que notre conférence. Les faits divers semblent omniprésents dans notre société et dans le monde médiatique. Pourtant, d’après Thibault Raisse : « Le fait divers est un peu plus visible qu’il y a quelques années… Mais nous sommes très loin de son âge d’or. À l’époque de l’affaire Grégory [1984], il y avait trois éditions papier par jour, tempère le journaliste avant de reprendre. Aujourd’hui, la plupart des journaux se contentent d’un article au début du procès, de quelques actualisations et d’un article de compte rendu à la fin du procès. »
En plus des évolutions de traitement dans les médias, les réseaux sociaux et les influenceurs s’emparent actuellement des affaires. Ils les traitent de manière ludique, souvent sans se soucier de la véracité et de la question des sources avec un objectif : la quête du « buzz ».
Pire encore, certains créateurs de contenus s’inspirent largement d’autres productions et enquêtes sans jamais les mentionner, invisibilisant ainsi les productions de journalistes qui ont travaillé pendant plusieurs mois sur une affaire.
Le secret de l’instruction
Au-delà des sources civiles, le frein principal aux enquêtes journalistiques sur les faits divers provient du secret de l’instruction. Lorsqu’une enquête est en cours, les autorités judiciaires n’ont pas le droit de livrer des informations. Le bon fait-diversier est celui qui arrive à obtenir et protéger ses sources.
Il n’existe en France que deux articles permettant de briser le secret d’instruction : l’article 11 et l’article 40-1 du code de procédure pénale permettent au procureur de la République de transmettre des informations aux médias pour éviter un danger ou pour interrompre la propagation de rumeurs qui nuisent à l’enquête.
Les échanges au cours de cette conférence ont permis de mieux saisir la nature du long format, de comprendre sa mutation, ses nouvelles concurrences et d’affirmer son caractère journalistique, toujours guidé par le souci de la vérité.