Correspondants de presse à l’étranger : entre autonomie et contrainte éditoriale

1 Mar 2025

Quelles sont les réalités du métier de correspondant de presse à l'étranger ? C'est ce que sont venus découvrir les étudiants avec Simon Leplâtre, Mathilde Warda (en visio) et Alban Mikoczy,. Photo : EPJT

Le métier de correspondant de presse à l’étranger est souvent fantasmé, mais reste mal compris. Pour en parler, Simon Leplâtre, ancien correspondant pour Le Monde et La Croix en Chine, Mathilde Warda, correspondante indépendante en Turquie, et Alban Mikoczy, ancien correspondant de France Télévisions à Moscou. Ils ont échangé avec les étudiants de l’EPJT et le public, mardi 25 février 2025.

Les journalistes correspondants à l’étranger occupent une place à part dans le paysage médiatique. Souvent idéalisé, notamment par les jeunes journalistes, pour l’aventure et l’autonomie qu’implique ce statut, leur quotidien est pourtant jalonné de contraintes et ils font face à une précarité bien réelle.

Cette précarité touche en particulier les jeunes journalistes qui viennent d’arriver dans un pays. Ils sont souvent indépendants ou deuxièmes correspondants. Ils doivent alors être polyvalents : « Lorsqu’on est pigiste, il faut un peu toucher à tout : la presse écrite, la radio, la télévision, explique Mathilde Warda. Les médias spécialisés et professionnels sont aussi de bons contacts pour proposer des sujets que l’on veut absolument faire et qui n’intéressent pas forcément les médias traditionnels. »

Le meilleur moyen d’être libre en arrivant dans un pays, c’est d’avoir des économies, poursuit-elle : « Avant de recevoir mon visa de journaliste pour la Turquie, je suis retournée chez mes parents pour travailler dans d’autres domaines afin de me constituer un fonds et d’avoir l’esprit libre pour mes sujets. »

Dans de nombreux pays, des correspondants sont installés depuis plusieurs années et la concurrence est parfois rude pour exercer le métier. Le mieux est de bien connaître le terrain dans lequel on met les pieds, estime Simon Leplâtre : « Avant d’arriver dans un pays, il faut contacter les correspondants sur place. Après, il faut faire attention : certaines personnes peuvent être jalouses et tenter de vous mettre des bâtons dans les roues. »

Mathilde Warda, ancienne étudiante de l’EPJT, est journaliste pigiste, correspondante de presse en Turquie. Ici à Antakya, le 6 février 2024. Photo : Cerise Sudry-Le Dû

Une fois sur le terrain, pour beaucoup, la sensation de liberté peut être déroutante. Pour gagner sa vie, le journaliste doit être en mesure de proposer des sujets qui se « raccrochent à des phénomènes d’actualité qui font sens dans la société française, en particulier pour du magazine ».

Mais la liberté du journaliste, même à l’étranger, reste toute relative. Il faut être disponible à tout moment pour une rédaction afin de couvrir des événements importants.

La liberté ne tient pas toujours au choix des sujets, selon Alban Mikoczy, mais plutôt à la manière de les traiter : « Lorsqu’on travaille à l’étranger, on doit proposer des sujets qui ressemblent à l’image qu’a sa rédaction du pays. En Italie, on va devoir faire le carnaval de Venise. La liberté que l’on a, c’est de choisir l’angle sous lequel on va traiter le sujet. »

Alban Mikoczy, à gauche, ancien correspondant de France Télévisions à Moscou et Simon Leplâtre, à droite, ancien. correspondant pour Le Monde et La Croix en Chine. Photo EPJT.

En 2024, la situation de la liberté de la presse s’est sensiblement dégradée. Parmi les indicateurs, le contexte politique est celui qui a le plus chuté, selon Reporters sans frontières, avec près de sept points en moins.

Cette situation complexe touche pleinement les correspondants et les oblige à prendre des précautions : « En tant que journaliste occidental en Russie, on est immédiatement perçu comme un espion, met en garde Alban Mikoczy. Lorsqu’on contacte un chef d’entreprise, par exemple, on passe beaucoup de temps à le rassurer. Il faut être très franc avec ses sources, afin de ne pas les mettre en danger. »

Être correspondant à l’étranger représente une liberté précieuse, mais s’accompagne de défis majeurs : précarité, concurrence et pressions politiques.